"Que sert-il à un homme de gagner tout le monde s'il perd son âme ?"
Des rêves pleins la tête, je suis parti de Madagascar pour atterrir en Suisse en 2000. Je suis parti pour les études et pour « devenir quelqu’un ». J’avais 17 ans, et je me sentais enfin libre. Oui, du jour au lendemain j’ai été libéré du regard pesant de la société. Plus personne n’était là pour me dire que je devais à tout prix réussir, et comment y arriver. Dès la première semaine, on m’a fait comprendre que j’étais seul responsable de ma vie et que ce que je serai demain, sera le résultat de mes choix d’aujourd’hui.
Un libre penseur, sans formatage, c’était mon objectif. Je ne voulais pas faire comme tout ce monde qui court après le bonheur à travers le sexe, l’argent et le pouvoir et accessoirement l’amour. J’ai donc fait table rase, sur ma vie, mes convictions, ma vision du monde. J’ai choisi d’adopter la pensée de certains philosophes comme Foucault, pour me construire une identité compatible avec la personne que j’aspirai à devenir. J’ai décidé de prendre le meilleur de cette société dans laquelle je suis tombé, sa liberté de penser, son esprit critique, son héritage intellectuel.
Sur ce chemin de l’accomplissement, j’ai eu du mal à me défaire de ma foi chrétienne, pourtant c’était un élément perturbateur de taille dans cette quête de grandeur d’âme, car elle m’empêchait de m’ouvrir à ce monde qui croit en l’homme et à ses capacités de se transcender. La raison principale en est qu’avant de venir en Suisse, j’ai vécu une expérience marquante de libération. J’ai vécu quelques mois de forte addiction sexuelle due à une exposition précoce à la pornographie. Personne ne savait dans quelle souffrance je me trouvais, et un jour je me suis enfermé dans la chambre de mes parents puis j’ai élevé une prière qui m’a enlevé d’une minute à l’autre toutes compulsions liées à cette dépendance. J’ai gardé cette expérience dans un coin de ma mémoire.
Les neuf premières années à Genève ont été couronnées de succès, je tenais le cap, je prenais mes propres décisions et j’en assumais les (mauvaises) conséquences. J’enchaînais les diplômes et j’étais un bourreau de travail. Je devenais de plus en plus anxieux mais pour moi, les insomnies, les crises d’angoisses n’étaient que des caractéristiques des personnes créatives. C’est le lot des hypersensibles qui avaient une conscience accrue de la réalité qui les entoure. Je souffrais d’un mal nécessaire pour arriver au sommet, j’ai choisi ma galère, je ne dépendais de personne, c’est ce qui me rendait heureux. Au fond de moi, je savais en vérité que je me détruisais petit à petit…
En 2010, les choses ont brusquement changé, ma relation amoureuse battait de l’aile, ma santé devenait critique et j’ai reçu un appel de Madagascar m’avertissant que mon père était en salle de réanimation et qu’il risquait de décéder d’un instant à l’autre. Tous mes acquis ne me servaient à rien à ce moment-là, soit j’acceptais la fatalité, soit je faisais appel à ce Dieu qui m’a un jour miraculeusement guéri d’une dépendance. Je me suis mis à genoux pour prier mais je n’ai pas pu articuler un seul mot, car j’ai été saisi d’une grande crainte. J’ai été face à ce Dieu dont j’avais déjà expérimenté l’existence et la bonté, mais que j’ai ignoré pendant une dizaine d’année. Cette expérience m’a profondément marqué. La sensation d’avoir eu Dieu en face de moi était si réelle, et mon incapacité à l’approcher me faisait le topo de la superficialité de la relation que j’entretenais avec lui. Pire encore, j’ai pris conscience que malgré sa présence manifeste, je l’avais ignoré, écarté de mes plans ni considéré dans mes décisions. Si j’avais pu l’effacer de ma vie, je l’aurais fait et c’est ce que j’avais essayé de faire. Je fus aussi troublé par l’inutilité du peu de connaissances, de notoriété, de richesse que j’ai acquis durant toutes ces années de dur labeur face à ces évènements de la vie, ou plus précisément face à la mort.
Depuis ce jour, j’ai aspiré à me rapprocher de Dieu car cette distance entre nous m’était insupportable et insurmontable, et s’il y a avait un moyen pour que cela soit possible j’étais prêt à le saisir. J’ai réalisé que je l’ai volontairement offensé en l’ignorant et en estimant qu’il ne méritait de ma part aucune considération. En lisant la bible, j’ai aussi compris qu’en faisant cela, je me suis fait son ennemi et qu’il fallait que je sois pardonné afin de rétablir cette relation brisée. Durant plusieurs mois, j’entendais par des prédications ou en lisant la bible que c’est Jésus qui est mort pour prendre sur lui les péchés qui nous privent de la présence de Dieu et que c’est par Christ que nous pouvons être réconciliés avec lui. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est seulement au bout d’une année que je réalisais pleinement que Dieu allait vraiment me pardonner grâce au sacrifice de Jésus ; alors un matin, j’ai demandé pardon de lui avoir tourné le dos durant toutes ces années, et que désormais ma vie lui appartenait et qu’il décidera pour ma vie. Comme il est mort pour moi, j’ai demandé à Jésus de me sauver quand un jour je le verrai face-à-face.
Depuis, Dieu m’a pardonné, j’ai reçu la paix dans mon cœur qui ne m’a plus jamais quitté et j’ai reçu le Saint-Esprit qui est venu habiter en moi. J’ai hâte de rencontrer Jésus car aujourd’hui je sais qu’il est vivant et que nous allons le voir un jour. Il n’y a rien de pire que de savoir que Dieu est là, qu’il nous aime, et pourtant que nous ne voulons pas de lui.
« Que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme ? » Marc 8:36
Liria R.